Mr Montre propose depuis le début de l’année une rubrique baptisée « Entretien avec » qui permet de faire le point sur les activités d’un acteur du marché de l’horlogerie. Après François Moreau, le CEO et fondateur de RESERVOIR Watch, Nicolas Boutherin, le co-fondateur et directeur artistique de la marque Klokers, Yohan Bizy, le Directeur Général France de Frédérique Constant, Vincent Coquet, le directeur d’Oris France, Etienne Malec, le fondateur et patron de la marque Baltic Watches, et Franz Linder, le CEO de la marque Mido, c’est au tour de Lilian Thibault, le fondateur et patron de la marque Awake Concept, d’accepter de répondre à nos questions.
Lilian Thibault bonjour, Awake est une jeune marque horlogère française qui propose depuis 2019 des montres éco-responsables et recyclées. Qu’est-ce qui différencie aujourd’hui Awake des autres marques qui proposent des montres en plastique recyclé comme Swatch ou Oris ?
Lilian Thibault : Awake fait vraiment figure de pionnier dans l’industrie horlogère. D’ailleurs, de cet éveil des consciences nous en avons fait notre nom : Awake. Depuis notre création nous travaillons sur une nouvelle génération de montres qui font de nos clients des ambassadeurs de cet éveil, conscients des challenges qui nous attendent.
En 2019, nous avons ainsi créé la première montre au monde entièrement faite à partir de filets de pêche recyclés, prouvant qu’il était possible changer le modèle de la fabrication en transformant des menaces environnementales en nouvelles ressources durables.
Aujourd’hui nous travaillons avec d’autres matériaux comme le titane, également recyclé, et nous sommes même en train de développer un alliage exclusif issu de l’aéronautique française et qui aura des propriétés exceptionnelles et un impact carbone réduit de 90 %. Que d’autres marques nous suivent dans cette direction est une très bonne nouvelle. Chaque initiative est un progrès, et montre qu’il est possible de faire autrement et mieux.
Au G7 de 2019, le président Emmanuel Macron tient fièrement une montre Awake.
Vous vous êtes fait connaître en 2019 avec une montre conçue à partir de filets de pêche recyclés, que le président Macron a arboré fièrement lors d’un G7. Quel a été l’impact sur les ventes et sur la notoriété de la marque ?
L’impact a été énorme. Jamais un président ne s’était autant impliqué pour expliquer la démarche d’une entreprise, jusqu’à en faire le symbole de son discours et l’offrir aux autres chefs d’états devant les caméras du monde entier. Non seulement cela nous a donné une visibilité et une légitimité incroyables mais cela a créé de nombreuses opportunités par la suite.
3 ans après, les gens vous disent encore « ah mais c’est la montre du président ». C’est fou comme cela a marqué les mémoires. En interne, cela nous a surtout fait comprendre à quel point l’innovation était importante, non seulement pour améliorer l’existant, mais aussi pour inspirer les gens, jusqu’à un chef d’état.
Pouvez-vous nous présenter Awake en chiffres ? Nombre de salariés en France, parts de marché, nombre de montres vendues chaque année…
Nous sommes une dizaine de collaborateurs aujourd’hui, avec une moyenne d’age sous les 30 ans. En 2021 nous avons produit près de 10 000 montres. Mais en évoluant vers un segment plus premium (et plus horloger) ces chiffres risquent de diminuer à court terme.
Quel est aujourd’hui le profil type d’un acheteur de montres Awake ? A-t-il évolué ces dernières années ?
C’est extrêmement hétéroclite, car nos valeurs et notre philosophie touchent toutes les tranches d’âge, de sexe et de revenus. Nous avons eu dès le début des passionnés ayant de très belles collections de montres de luxe, et qui trouvent en Awake une démarche différente du reste de l’industrie. Les nouveaux projets de la marque sont clairement destinés à plaire aux amateurs d’horlogerie, avec des montres mécaniques beaucoup plus abouties en termes de matériaux et de détails.
Quels sont les modèles de montres les plus populaires de la marque ?
De toute évidence jusqu’à aujourd’hui La Bleue, qui est la réplique exacte du modèle présenté au G7 (sans le logo).
Le modèle « officiel » dévoilé au G7
Awake proposait jusqu’à récemment exclusivement des montres dotées d’un mouvement à quartz. Vous proposez désormais des montres automatiques. Pourquoi avoir choisi un calibre japonais (Miyota) et non français ou suisse ?
En effet jusqu’à présent nous n’avions utilisé que la technologie solaire, cohérente avec notre philosophie : pas de pile à changer, pas d’entretien, et une autonomie infinie. D’ailleurs des marques de luxe comme Cartier ou Tag Heuer commencent à s’y mettre…
Pour la suite nous serons en 100 % mécanique (à remontage automatique), car nous voulons des produits qui n’aient pas de fin de vie, avec des mouvements facilement réparables. Une solution que nous ne pouvions proposer sur le segment de prix où nous étions auparavant.
Comment comptez-vous développer la notoriété de la marque en France dans les prochains mois ? Vous semblez proposer de plus en plus de modèles en édition (très) limitée, dont la dernière montre en partenariat avec la Nasa limitée à 250 exemplaires
Oui. Nous sortons du modèle ou il faut produire beaucoup, sans savoir ce qui plaira ou non. Nous évoluons donc sur un modèle de séries limitées majoritairement en pré-commande, ponctuées de quelques collaborations artistiques sur de toutes petites quantités disponibles immédiatement. C’est très Awake dans la démarche : jamais de surproduction, de stocks ou d’invendus : une production totalement alignée sur la demande.
La montre automatique Awake x NASA limitée à 250 exemplaires
Comptez-vous rester 100 % digital ou comptez-vous également vous développer dans des boutiques physiques ?
Nous sommes nés dans le digital par une campagne de crowdfunding, et toute l’équipe est jeune et « câblée » comme cela. Le digital restera donc notre canal de vente majoritaire, avec quelques points de vente partenaires dans les pays ou nous pensons avoir un beau potentiel.
En dehors des montres Awake, quelles sont les 3 montres (de votre collection ou non) qui vous font le plus rêver ?
Cela fait près de 20 ans que je suis passionné d’horlogerie, donc 3 c’est vraiment pas beaucoup ;-). Plus que des modèles, je dirais que 3 marques me parlent beaucoup en ce moment (je mets de côté toute notion financière) :
- MB&F, parce que c’est un indépendant qui enrichit considérablement la créativité de l’industrie horlogère,
- Patek Philippe, pour la tradition et l’excellence,
- et… Awake par les projets assez incroyables que nous avons dans les cartons.
